Photo par Martine Serrano

Édition spéciale Corona


Envoyez-nous vos textes, dessins, poèmes, dégueulis, haut-le-cœur et billevesées à redaction@antirouille-web.fr sans peur d’un couperet : nous n’aurons pas de délais tant que nous resterons parqués chez nous et vous chez vous. 

Les textes seront publiés ici, sur le seul site de l’univers où la porte reste grande ouverte et où tout le monde est invité ! 
QUE LA TEUF CONTINUE !

Couv. Martine SERRANO Granville


édito 
par Roger That
Allo la terre ?

Cher tous ! Bah oui, je t'inclus toi, toi et même Toi: dans ce petit édito made in Granville.
Que tu sois bizarre, poète, inadapté, mystique, musicien, artiste, noir, rose ou belge. Et que sais-je...

Si tu es tout et rien à la fois. En somme ?
Si tu te reconnais dans ces quelques mots.

Je nous invite toi, dans un gros jeu.

A s'indigner... Et vous ?!

'Parce qu'il y a toujours un peu de vérité derrière les "je rigole", un peu de curiosité derrière les "je demandais juste", un peu de savoir derrière les "je ne sais pas", un peu de mensonge derrière les "je m'en fou", un peu de souffrance derrière les "ce n'est pas grave"'

Et comme disait les célèbres Dupond et Dupont: Je dirais même plus !

Il y a toujours autant de "j'me marre" derrière un humouriste. Et un peu de "au temps pour moi" derrière une excuse. Autant de spéculation derrière la finance. Autant de langue de bois derrière un discours.

Face a cette culture des médias. Face a la recrudescence des fausses belles et bonnes informations. Face au ciel, a la mer et a la terre.

Où va t'on ?

Et surtout ou veut on nous inviter à aller ?

Qui avant l'allocution du président, grâce aux médias et / ou à votre entourage, a vraiment comprit ce qui allait se passer ?

Le bruit des gens

Le Bruit de l’EXPLOSION

Par notre correspondant au Liban
A qui le dis-tu ! Nous avions prévu de venir en France en septembre (j’en rêve ! Bien sûr, nous n’avons pas pu !) mais nous avons eu d’abord la “Révolution” qui a bloqué le pays pendant des mois, puis la crise économique qui a complétement dévalué notre monnaie et bloqué notre argent en banque et, enfin, cerise sur le gâteau, l’explosion du port de Beyrouth, le 4 août ! En quelques secondes, la ville, qui commençait à avoir des airs de ville “normale” est redevenue une ruine ! Notre appartement n’a pas trop souffert, car il est de l’autre côté de la colline d’Ashrafieh, mais le bureau a été soufflé ! Nous avons eu une chance folle ! J… était au port 10mn avant l’explosion et s’était arrêtée pour acheter des “goggles” dans un magasin de sport. Se sentant fatiguée, elle a changé d’avis et est rentrée à la maison ; ça faisait quelques minutes qu’elle y était lorsque l’explosion a eu lieu, cassant la baie vitrée du salon et une fenêtre dans la chambre des enfants, et deux murs en Placoplatre ont éclaté ! Nous avons deux amis qui sont morts près du port et un qui y a été gravement blessé, et qui n’a pu recevoir les premiers soins que 9 heures après l’explosion ! Moi, j’étais au bureau quand j’ai ressenti que tout l’immeuble bougeait comme s’il y avait un tremblement de terre et, 2 secondes après, toutes les vitres et les aluminiums ont éclatés. Il y avait du verre partout, certains grands morceaux sont tombés à 60cm de moi ! mais aucun juste à l’endroit où je travaille, un vrai miracle ! Dehors : une vision d’apocalypse ; du verre partout (ma voiture, garée sous l’immeuble, a eu ses deux parebrises cassés et la carrosserie criblée d’impacts de verre et d’aluminium), les sirènes qui hurlent, des gens ensanglantés que l’on emmène (en voiture !) à l’hôpital mais qui auront du mal à en trouver un car la plupart des hôpitaux de la ville sont dévastés... Nous avons tout de suite pris des photos du bureau et commencé à déblayer jusqu’à minuit ; puis rebelote le lendemain. Depuis (ça fait plus de deux mois et ½ !), nous ne faisons plus notre travail de création d’architecture, mais nous nous occupons principalement de réparer les appartements de nos clients, qui sont dévastés ; et il y a encore beaucoup de boulot ! N… et L… sont venus nous voir et ont participé, dans le cadre d’une ONG (“Offre Joie”), à la reconstruction d’un quartier déshérité situé près du port et très endommagé. N… a quand même pu exercer son métier un jour dans un hôpital de campagne à soigner des blessés.
Venir en France ne sera pas pour tout de suite, malheureusement, car les billets d’avion ont terriblement augmenté et il faut les payer en “cash dollars”, ce que nous n’avons pas ou qu’il faut acheter au marché noir à un prix prohibitif ! Avant la crise économique, et depuis plus de 20 ans, le dollar était à 1.500 Livres Libanaises ; maintenant, il faut payer 8.000 L.L. pour avoir 1 dollar ! Notre pouvoir d’achat a considérablement baissé. Enfin, on survit encore ! Pour combien de temps ...? ... On verra bien!

Pierre-Yves Corbel

Sous les pavés

Locked-in syndrome

par Lisette
« Personnel en grève ». Ils étaient tous là à fourmiller en blanc dans les couloirs de l’hosto. Moi je soulevais avec peine mon pouce coupé à la moitié de l’ongle, saisi que personne, réellement, ne se préoccupe de mon avenir immédiat. La dame de l’accueil, simplement, avait jeté un coup d’œil circonspect à l’espèce de tranche de betterave cuite que je promenais douloureusement. Un franc élan d’inquiétude avait voilé son visage un moment « Ah oui quand même !». Ben oui la tronco ça ne pardonne pas. Je voulais juste réduire un poil le pieu de moulière qui nous servait pour la cabane sur le rond-point. Bon dieu c’est dur un pieu de moulière, le salaud s’était dérobé sans crier gare, un peu à la flic, et blam la tronco avait glissé. « Ça ne saigne plus ? » elle avait levé sur moi des yeux pleins d’une empathie sincère. Je l’avais jouée honnête (j’avais changé depuis que je campais sur les ronds-points, je me sentais plus à l’aise dans la famille des êtres humains, plus en phase) : « Non, ça ne saigne plus » « Alors asseyez-vous là, on va venir vous chercher ». Une chaise dans un couloir, des médecins, des infirmières qui passaient et repassaient, sans courir, dans un calme absolu comme si rien dans ce monde n’était en train de brûler et des gens allongés sur des brancards qui attendaient sans moufter. J’étais un peu intimidé, première fois que j’allais aux urgences, et encore je ne voulais pas, ce sont les copains du rond-point qui avaient insisté. « Personnel en grève ». Je ne voyais personne en grève, moi. Je venais tout juste d’apprendre ce que c’était qu’une grève, je l’avais ressentie dans ma chair et dans ma tête, la grève, dans le feu sur les ronds-points, dans la chaleur du feu, de la barbaque qu’on grille, dans le chaud des mots lorsque les autres les prononcent alors qu’on les a dans la tête depuis des lustres sans oser les dire. La grève, c’était la main sur l’épaule, touchante et furtive, les bagnoles qui passent et les premiers tracts qu’on distribue, ceux qu’on a faits, et les gens qui sourient, qui klaxonnent, qu’on ne sent pas franchement hostiles au bordel qu’on est en train de foutre. Ici, le personnel en grève, il n’est nulle part, il ne fait pas de bruit. C’est peut-être une vieille affiche. Tout agaillardi par la légitimité d’être ici pour mon pouce tronqué, un peu stimulé par le faux-courage du grand blessé, j’ai demandé à une infirmière qui passait : « Elle est où votre grève ? ». Elle a regardé le A4 placardé que je lui désignais et elle a répondu avec quelque chose d’un soupir dans la voix : « La grève, elle est permanente » et piouf elle est repartie aussi sec, lasse, tranquille, déterminée. La fille qui a quelque chose à faire, quoi. J’ai fixé l’affiche. Personnel en grève. Un truc s’est dévissé en moi. Un truc s’est effondré. Ça me faisait penser au locked-in syndrome. Les gens qui vivent, qui souffrent, qui se battent. Mais tout à l’intérieur. Personne, au dehors, pour remarquer leur lutte implacable, au pied du mur, la vie qui gueule et n’en peut plus, impossible de continuer et pourtant elle continue.

Moi, j’avais mon rond-point. J’ai décidé, tout à trac, de leur mettre une banderole en rouge sang entre deux poteaux (de peuplier, c’est plus tendre), au personnel locked-in. Les copains ont compris. J’ai continué à regarder les bagnoles passer et espéré qu’un message allait passer. Mais le truc effondré ne s’est pas remis. Parce que j’ai réalisé que tant que ce putain de gouvernement ne fera rien nous serons toujours allongés dans notre lit, paupières closes, enfermés dans notre tête à hurler toutes les conneries qu’on peut, dans ce cas, hurler. Et tant que tous les lits de tous les hôpitaux ne seront pas occupés par des locked-in, nos gouvernants ne feront jamais rien ni pour les locked-in, ni pour leurs soignants, ou pour leur porte-banderole, ou pour tous ceux qui gravitent autour. On se mord la queue putain. L’abysse se creuse en moi, je crève de vertige : tant que tout le monde, chaque personne, chaque habitant ne sera pas assez malheureux pour investir les ronds-points, les rues, chaque pavé de ce pays, tant que les malades ne déborderont pas des lits, des chambres, des civières les politiques ne bougeront pas. Tant que le pays ne sera pas en banqueroute ils ne penseront pas à la leur… L’idée mousse dans ma tête comme un bitume : ils n’attendent que la fin du monde. Brailler ne sert à rien puisque ceux qui écoutent ont mis la chaîne de la Bourse à fond dans leur casque à moumoute. La nuit, de plus en plus, je pense au personnel en grève qui m’a soigné ma betterave cuite avec une patience à pleurer, tout dignes qu’ils étaient, drapés dans leur détresse. Je n’aime pas le désespoir. Il tue trop lentement. Eux aussi, le personnel en grève, crèvent trop lentement. Ils se zombifient, font claquer leur famille, se martèlent les doigts à coups de situations intenables. Et continuent à sourire, à bosser, à faire leur métier. Personnel en grève.

Un jour, j’ai décidé de retourner aux urgences et, comme je ne suis pas doué pour les fleurs et les chocolats, leur ai proposé de réparer ce qui ne marchait pas. Des conneries : ampoules à changer, portes coincées, n’importe quoi. Ils ont rigolé gentiment et puis quelqu’un a dit :  « Ben remarque y a le micro-onde qui ne marche plus depuis deux ans dans notre salle de pause ! ». J’y suis allé. Je n’ai pas réussi à réparer le micro-onde mais j’ai pu en récupérer un autre gratos, tout simplement. C’est con mais j’ai tenu tête à ma propre flemmardise, à la sorte de ridicule qu’il y a à aller déboucher un évier dans un hôpital. Ils n’ont pas besoin de ça et pourtant si. Puisque l’Etat-Providence ne veut plus tellement pourvoir à grand-chose, j’ai décidé de leur offrir, moi, le peu de soutien dont je suis capable. Ça les soulage d’un rien mais le temps qu’ils n’usent pas à ces broutilles ils le passent à se requinquer un peu. Et puis on cause. Cette semaine, j’ai réussi à faire venir mon copain Dédé que j’ai rencontré sur le rond-point et qui est plombier. Il a remplacé un tuyau qui coulait dans les wc depuis des années. Les filles n’arrêtent pas de nous dire que c’est bien de ne plus avoir cette flaque qui les faisaient se sentir encore plus dans la merde. Évidemment, il en faut beaucoup plus. Mais avec les armes qu’on a, on a l’impression de remettre le pied à l’étrier et de là c’est assez facile de mener le cheval où on veut bien qu’il aille. La révolution, on l’a entre nos doigts, en fait.

Pierre-Yves Corbel

Respire

Asperge, mais pas trop !

Je cherche un crayon mais toutes les mines sont cassées. “Des mots enlevés s'élèvent devant l'envolée volée au poète” Tire pas la tronche ! ça va bien se passer ! Je résiste. La vie n’est pas un pet d’aristocrate mais un pet d’aristocrate, c'est la vie ! enfin si on peut dire ... Cette tiédeur, c’est notre cuisson à feu lent ; regarde, lui aussi s’ébroue avec nous dans le fameux bouillon d’éléments de langage. Touffeur et remugles. et oui, ça pue ! Pas de wind of change dit l’âne, ah non ça c’est scorpion, mais faut savoir faire des blagues (bien) pourries pour être dans le mood. Suis up to date dans ma caboche. Et c’te tempête ! Un pur carnaval de chiffres ; ici, qui sera le plus sonore, là, qui aura l’organe le plus élastique ; prostate, verge, clitoris, vulve. Une petite opération des calculs disrupto-inclusifs ? Vestiges l’un de l’autre, de l’un et dans l’autre. Au fond, on ne désire que s’assembler. Se quitter ? mais pourquoi ? Déjà, on ne voit rien venir puisque tout se passe dans notre dos. Alors sniff quoi ! :/ ! A côté de la porte, cloué au mur, un troisième œil ensanglanté agonise constellé de fléchettes. Tu l’as eu dans le mille, mais c’était pas vraiment ça le game. Il reste toujours la petite lucarne et le joueur de foot sur ta console. ça cache ta tristesse. Un masque sur une jambe de bois, dirait-on cyniquement en mode "twenty-twenty". Pas très love me tender la chienne d'époque. Le cynisme a bonne presse. Pis-aller sans espoir, pourtant tout passe avec l’espoir. Le souvenir d’avoir été sage.

Respire

Cher Père Noël

Freeda
Je veux écrire des chansons comme Ginette, envoyer valser des mots dans les airs, crier des mots pour le bonheur de les entendre vibrer, accoucher des mots et les regarder s’envoler pour un aller sans retour dans l’espace ; Va savoir ce qui se danse quand on est des mots, dans l’infiniment grand ! Faut leur rendre ça, aux mots, leur liberté ; Tout comprimés qu’ils sont sur le papier. Je crois qu’en les chantant, ils s’épanouissent. Je veux être comme les mots qu’on chante à gorge déployée. Je veux vivre libre et aller voir si, dans l’inconnu, c’est mieux qu’ici. S’il existe des magies que mon esprit ne conçoit pas.

Je veux accueillir la magie. Mais il y a un mur dans ma tête et je ne comprends pas qui l’a posé là, c’est encombrant… Au début, je ne le voyais pas, j’explorai timidement l’espace de mon crâne et je me suis cognée. Ah ! Malheureux mur... Détruisons le ! Il en surgit un autre derrière… J’ai donc trouvé une nouvelle occupation, tomber des murs.
Je veux effleurer la liberté, parce que là, je manque d’air, d’expansion, de clarté. C’est connu, prémâché et même la prose en rime, ça me comprime. Ça ferme des portes au lieu d’exploser les fenêtres. Je veux explorer les contours de mon imagination, repousser les limites ; Quitte à perdre pied, la folie vaut mieux que bienséantes pensées et attitudes normées.

Gloire aux déviants, aux mendiants, aux illuminés qui ont pris possession de leur refus de se conformer à l’ordre établi. Chacun sa sauce pour se réapproprier le Vivant et on fera un joyeux gueuleton pour fêter la nouvelle année.

Confinement Blues

La tête allant vers

Clochard Céleste

Par Michelle
Clochard Céleste

Haiku

par Pat'Rich
Marine

J’ai le regard vague
Le vague à l’âme
J’erre et je rame

Narine

Elle s’est mis le doigt dans le nez
Sous son ongle la boulette
Rapidement dégustée

Farine

Les mains dans le sarrasin
S’étale la pâte sans coller
T’en a même sur le nez

Dans la boîte

par Michelle
Masques

Je n’ai pas besoin de masque
Je me dissimule derrière mes mots
Je les choisis upper classe
Pour me faire croire
Que je le prends de haut

Je n’ai rien à faire de vos masques
Je mâchouille des beaux concepts
Bourdieu édité Gallimard
Pour m’éviter les cafards
Avant que tout parte en sucette

Non je ne veux pas me masquer
Je préfère mentir à tout va
Inventer un monde sans tracas
Croiser des gens leur dire:ça va
Les coeurs brisés, votre chemin passez..