Sa réputation le précède. Comme une queue de comète placée devant lui. On dit le musicien imprévisible, foutraque, bordélique mais ardemment désiré , et, pour qui a un jour croisé son sillage, juste son sillage, la bête est attendue comme le loup blanc. Et puis en fait de loup, on fait la rencontre d’un prince-mendiant coincé entre deux chemins tracés. Alain, je le connaissais en vrac pour sa « phobie des grands axes » (l’expression est de lui. Il ne prend jamais les grandes routes, ça le rend malade). Sur scène il est cet homme enfant qui se planque derrière un personnage à la Tati, maladroit, effronté , qui ne s’emmerde pas à changer une corde cassée à sa guitare parce qu’il « ne joue jamais avec celle-là ». C’est un copain qui finira par la lui remplacer, sa corde, pendant l’entracte de son spectacle si savamment effiloché.
Lumière aux petits oignons qui projette son ombre au plafond (il est aussi photographe en studio, la mise en scène ça le connaît), riffs et boucles placés, dé placés, incrustés au poil près dans des mélodies mêlées, simples et bien gaulées : attaquées au synthé, bientôt rejointes par la guitare gamine et turbulente. Le spectacle, oui, ressemble à une cour de récréation laissée à un seul gosse heureux d’investir l’espace et toutes les balançoires. On le regarde en rigolant et puis on s’aperçoit qu’il est plutôt doué à voleter entre trapèzes et bac à sable. Que ses figures dessinent de solides motifs, que ses paroles, ses mélodies trottinent encore longtemps après, un peu à la Daft Punk. Il y a du Philippe Katherine, du Gainsbourg, du TaxiGirl dans tout ce qu’il chante. Pas du copié-collé , non, ce sont des influences plus profondes, quelque chose qui l’habite littéralement, qui l’ont construit, qui le font encore maintenant.