Alain Briant

Alain Briant

Sa réputation le précède. Comme une queue de comète placée devant lui.

Alain Briant

par Lisette
Sa réputation le précède. Comme une queue de comète placée devant lui. On dit le musicien imprévisible, foutraque, bordélique mais ardemment désiré , et, pour qui a un jour croisé son sillage, juste son sillage, la bête est attendue comme le loup blanc. Et puis en fait de loup, on fait la rencontre d’un prince­-mendiant coincé entre deux chemins tracés. Alain, je le connaissais en vrac pour sa « phobie des grands axes » (l’expression est de lui. Il ne prend jamais les grandes routes, ça le rend malade). Sur scène il est cet homme­ enfant qui se planque derrière un personnage à la Tati, maladroit, effronté , qui ne s’emmerde pas à changer une corde cassée à sa guitare parce qu’il « ne joue jamais avec celle­-là ». C’est un copain qui finira par la lui remplacer, sa corde, pendant l’entracte de son spectacle si savamment effiloché.
Lumière aux petits oignons qui projette son ombre au plafond (il est aussi photographe en studio, la mise en scène ça le connaît), riffs et boucles placés, dé placés, incrustés au poil près dans des mélodies mêlées, simples et bien gaulées : attaquées au synthé, bientôt rejointes par la guitare gamine et turbulente. Le spectacle, oui, ressemble à une cour de récréation laissée à un seul gosse heureux d’investir l’espace et toutes les balançoires. On le regarde en rigolant et puis on s’aperçoit qu’il est plutôt doué à voleter entre trapèzes et bac à sable. Que ses figures dessinent de solides motifs, que ses paroles, ses mélodies trottinent encore longtemps après, un peu à la Daft Punk. Il y a du Philippe Katherine, du Gainsbourg, du Taxi­Girl dans tout ce qu’il chante. Pas du copié-collé , non, ce sont des influences plus profondes, quelque chose qui l’habite littéralement, qui l’ont construit, qui le font encore maintenant.
Alain Briant
Nous avons devant nous, simplement, Alain Briant, depuis sa naissance jusqu’à la racine de ses cheveux. Avant chaque chanson, il y a une boutade, une mise en train loufoque qui fait entrer le public dans sa bulle. Après le morceau il vérifie d’un œil ravi de môme content de sa blague la réaction des gens devant lui. Il tâte nos pouls comme il plaque le sien sur les nombreuses pistes de sa musique.

Originaire de Sartrouville, il n’en a pas bougé jusqu’à ses 28 ans. Il venait depuis toujours en vacances dans la Manche, entre Domjean et Agon. Et puis il y a eu Odile qui lui a fait sauter le pas et l’a libéré de la ville. « Niveau musical j’étais sclérosé à Sartrouville. Enfin sclérosé... J’avais l’impression que tout avait été fait alors qu’ici... ». Il fume, la tête quasiment au ras de la table quand il essaie de m’expliquer un truc, en t­shirt gris dans sa cuisine tandis que la petite chatte Marguerite l’escalade à pleines griffes et qu’il la repose à terre après l’avoir réprimandée, gentiment. Pour me raconter la musique, il revient à la photo. Il associe souvent les deux, exprès ou pas. « Pour la photo, j’aimais bien les ambiances
balnéaires, j’étais plus à l’aise en studio qu’en pleine rue, avec les gens, tout ça. » Il m’explique qu’il ne sait pas dessiner, n’a jamais su, mais qu’un négatif, du temps de l’argentique, était une feuille blanche dans laquelle tout était possible, la seule limite étant l’imagination. Ce concept lui sert d’ailleurs aussi pour ses clips, qu’il ne réalise pas lui­ même mais scénarise, et ça donne un autre aperçu de son monde. Regardez la vidéo qui accompagne « Je suis venu te dire que je revenais », c’est une merveille, pas du genre à faire s’ébaubir dans les chaumières, non, mais c’est drôle et bien foutu.

Nous revenons à sa production musicale, je veux savoir comment il compose. Entre deux clopes, il me lance : « Attends, je vais te faire montrer ! ». Un instant il a dix ans et puis, lorsqu’il m’embarque dans la piaule qui lui sert de studio d’enregistrement il grandit de sept-­huit années. Un clavier, un ordi, des enceintes, des fils partout, les murs sont tapissés de boîtes d’œufs peintes en noir, un tapis qui accueille le
chat, les boulettes, les canettes, les volets sont fermés, nous voilà dans son antre. Il se penche sur son écran et me montre la dizaine de pistes qui composent son dernier morceau, enregistré hier soir. Il me fait écouter la batterie, la basse, les deux ensemble, toute l’orchestration moins une piste, en teste une autre pour me montrer, il est didactique, dodeline de la tête et du pied, la rétine accrochée, le corps entier tendu vers la barre qui fait défiler sa musique.
Alain Briant
Je crois que Dieu, s’il n’avait pas été seul, aurait eu la même fièvre à dé crire la création d’Adam et Eve. Sauf qu’Alain a quatre albums à son actif, plus un deux-titres, plus un cinquième album à venir, d’une quinzaine de titres peut­-être, mais rien n’est moins sûr. Pour l’instant, il s’auto­ produit parce qu’il n’a pas le choix. Son rêve est d’être soutenu par un label, histoire de ne plus s’enquiquiner à se vendre, car c’est un métier. Le sien ? Pour manger, il se sert de la photo, du graphisme pour faire de la com’. Par passion, il joue, chante, met en scène, s’amuse entre images et textes. En plus de l’album à venir, il expose en février prochain dans un salon de thé à
Granville. Des photos de Barbie photographiées à la Studio Harcourt : « C’est ça mon combat : ramener les gens vers l’Humain ». Cela vaut autant pour ses spectacles que pour ses expos. Et on le sent dans chacun de ses mots.

Clip « Je suis venu te dire que je revenais » sur le site du réalisateur Didier Philippe. Album à venir aux environs de l’été , en vente chez Place Média, Coutances (entre autres. D’ailleurs points de ventes potentiels levez la main !) Albums en écoute en ligne sur Bandcamp, tapez Alain Briant. Expo photo chez Dame Gourmande, Granville du 12 fév au 7 mars.
Alain Briant
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