Laura Szabo

Laura Szabo

Elle est ancrée dans le paysage du centre­ Manche. Dans la campagne, au bord de mer, tous les lieux d'exposition ont un jour égrené son nom.

Laura Szabo

par Lisette
Elle est ancrée dans le paysage du centre­ Manche. Dans la campagne, au bord de mer, tous les lieux d'exposition ont un jour égrené son nom. Car elle n'est pas qu'une, Laura. Ou du moins elle partage son patronyme, son monde, sa patte avec le monde entier, avec une générosité qui lui vient de loin. Szabo, c'est le père, peintre aussi, ce sont des frères, musiciens, artistes, ce sont des enfants, c'est la smala qui rayonne.
Laura Szabo
Mais Laura... Elle raconte son histoire par bribes, dans le désordre: mots colorés comme les objets hétéroclites et nombreux qui tapissent sa maison entière, qui elle non plus n'a pas de frontière entre habitat, atelier, musée et lieu de culte de la joliesse curieuse. Il y a de la verroterie qui pend aux fenêtres, une cage à oiseaux habitée, des personnages en coquillages, des boîtes, des saintes vierges en plâtre, des icônes orthodoxes, des crucifix. Accent léger, chantant, elle a le regard droit. Deux langues, le hongrois et le français, trois cultures : son père est hongrois, sa mère est une tzigane de Hongrie, et Laura grandit en France, à Paris, parmi d'autres cultures qui n'en font qu'une : juifs, arabes, polonais, tous pauvres donc rois de la solidarité et de l'entraide. Le côté Tzigane, cependant, l'inspire plus que les autres : musique, danse, savoir­faire. Elle aime, dans ses portraits, « rendre hommage à ce peuple » car il y a en eux, comme en elle­même, l'art de mêler des influences venues de toute part. Elle explique cette soif d'objets et de cultures comme une fragilité, « une faille de remplir », selon ses mots, qu'elle n'expose d'ailleurs pas plus avant : un certain recul, une certaine humilité devant les choses de la vie lui interdisant de s'épancher sur ses gouffres personnels.
Laura Szabo
Quand commence­ t­-elle à dessiner, Laura ? Elle ne le dit pas, c'est inutile : ce domaine là, comme la musique, lui est aussi naturel que parler, respirer. « La culture, c'est une nourriture ». Elle emporte la sienne en même temps que sa bulle, son univers, qui grandit au fil du temps. « On se nourrit de culture pour ne pas être anémié ». Alors elle incube tout ce qu'elle vit, de Paris jusqu'en Hongrie où elle se marie et et vit quinze années durant. « Mon village en Hongrie est un peu plus petit que Gavray. Le premier noir qu'ils ont vu là­bas était un copain venu raconter, à ma demande, des contes africains. C'était dans les années 90 ». Elle aime faire se rencontrer toutes les civilisations, mélanger, comparer, métisser. Rejette l'exclusion non comme la réponse aux questions existentielles d'une société en crise mais comme une mauvaise remarque qu'il faut remplacer par d'autres questions afin de mieux vivre ensemble. Elle continue sur la métaphore de la nourriture : « Comme la malbouffe tue à petit feu, une culture de supermarché peut tuer à petit feu ».
Elle rentre subitement en France avec ses quatre enfants et vient se réfugier à Gavray auprès de son père. Se réfugier, vraiment ? « Administrativement, heureusement que j'étais française et mes enfants aussi ! », mais il faut récupérer des droits et elle s'engage dans l'ADMR de Gavray comme auxiliaire de vie et femme de ménage, tout en continuant à dessiner et faire de la musique. Elle apprécie la juxtaposition de ces deux activités car l'une ne va pas sans l'autre, elle abreuve son métier du nectar de son art, et fait passer dans ses dessins l'humanité qu'elle côtoie chaque jour. C'est ainsi qu'elle joint les deux bouts dans le nœud de chaise simple qu'est son existence : après avoir exposé de nombreuses fois à Paris et en Hongrie, elle est aujourd'hui salariée de l'association « Familles Rurales » qui a repris l'atelier de peinture que Laura avait créé pour l'Amicale Laïque du Canton de Gavray, asso dont elle était l'une des fondatrices.Laura Szabo
L'associatif, elle le pratique depuis longtemps, dans le but toujours avoué d'amener « la culture en milieu rural » et d'y faire belle « la place du beau ». Elle dit avoir eu à Gavray un accueil exceptionnel de la part de la population : « Ici, malgré tout ce qu'on peut dire comme saloperies au PMU, on ira toujours aider celui qui a des problèmes dans la rue ». Et encore : « La France est une terre d'accueil incroyable ! Malgré les mauvaises réponses aux questions désespérées, les gens ont cette culture de l'accueil ! Les artistes, les intellectuels sont toujours là pour garder ces idées dans la culture ». Face à la montée de l'extrême droite partout dans le monde, elle affirme avoir « pris le maquis en allant vers les gens qui avaient des questions contre la crise et en leur donnant une autre réponse que celle de l'exclusion ». Ses peintures en témoignent : les personnes croquées ne sont jamais figées, ni dans la pose, ni dans le dessin qui mêle souvent crayonné et réalisme, on y retrouve des artistes, des anonymes, tziganes ou gens du cru, jamais des fils de rien, toujours à la croisée de plusieurs mondes ­ ne serait­ce que par notre regard ­ qui ne se télescopent pas pour autant : « Il y a un paradoxe : c'est qu'être bien ancré dans sa culture permet l'ouverture aux autres ! Tu comprends ce que je veux dire ? ». Elle ponctue souvent ses paroles de cette question, qui n'est pas faite pour qu'on l'entende mais bien pour instaurer un dialogue, et le faire perdurer. Ainsi l'échange, entre individus, entre peuples, entre milieux, entre publics, fait­il partie de l'arsenal de cette femme pacifique. Elle a investi l'ancienne école de Gavray pour en faire une couveuse de doux peintres et rêveurs de tous âges et elle expose les œuvres de ses élèves aux Quat'Zar, la pizzéria à emporter de Gavray. Les œuvres changent tous les deux ou trois mois selon le rythme de l'atelier de Laura. 
Elle accompagne également un jeune autiste, Florient Ménard – déjà quelques expositions à son actif, c'est également lui qui a dessiné les écocups de Jazz Sous les Pommiers en 2016 ­ dont elle a fait fleurir le don larvé pour le dessin et pour lequel elle ressent une intense égalité artistique...

Celle qui expose depuis l'âge de 17 ans – ah oui, elle a fait 1 an d'études aux Beaux Arts de Paris, accessoirement... ­ dans les salons parisiens, hongrois, bretons et normands a également fondé l'association Crayons Agiles avec son frère Christophe, peintre, photographe, infographiste, pour promouvoir les arts plastiques dans les cadres scolaire, périscolaire et associatif. Cette association est également financée Solidaire, association sociale à Gavray.

Insatiable, Laura Szabo ? Oui, pour le bonheur de tous !

Expos de Laura Szabo à venir : Galerie le Sens Large, 40 rue des Juifs à Granville pendant les Sorties de Bain : portraits de musiciens et de danseurs. A défaut des œuvres de Laura, on peut voir le travail de ses élèves dans les lieux suivants : Ecole Anne Franck de Saint Pair sur Mer : œuvres des élèves du CP jusqu'au CM2 sur le thème des arbres, vernissage d'ici la fin de l'année scolaire, date inconnue, et sûrement une expo à la médiathèque de Granville. Ecole de Lengronne­Saint Denis le Gast : thème du cirque dans le style de Chagall d'après des photos prises par les enfants. Expo à l'église de Lengronne d'ici la fin de l'année scolaire, date inconnue itou. Oeuvres des élèves de l'atelier de Laura en permanence à la pizzéria Les Quat'Z'arts, 3 rue de la Libération à Gavray. Les Crayons Agiles : Les tableaux des 6 élèves serviront à décorer le hall d'entrée de l'école de Gavray.
Laura Szabo